Depuis la parution d’Aquanaute, en 2002, son nom est en effet indissociable de la chanson francophone actuelle. Sa voix en clair-obscur, son aptitude rare à aborder les sujets sensibles (qui n’a pas au creux de l’oreille Poussière d’ange, une chanson pro-choix?), font mouche et le disque initial rafle trois prix Félix : Révélation de l’année, Album pop-rock de l’année et Réalisation de l’année. Le cœur dans la tête, lancé en 2005, démontre à qui en douterait encore qu’Ariane Moffatt n’est pas jeune femme à s’asseoir sur ses lauriers : la démarche s’ouvre à de nouvelles sonorités, où l’aérien côtoie des rythmes bruts et dont on retient en particulier le tube électro-reggae Montréal. Elle ajoutera deux Félix à sa collection, dont celui d’Interprète féminine de l’année.
Si elle est en studio comme un poisson dans l’eau, Ariane Moffatt se révèle aussi être une artiste de scène qui donne sans compter. Cette énergie contagieuse sera d’ailleurs croquée sur le vif par le DVD Ariane Moffatt à la Station C, en 2005. Plus tard, toujours dans iMAges & réflexions, elle écrira au sujet de cette scène dont elle brûle les planches à répétition, au Québec comme en France et ailleurs en Francophonie : « J’essaie chaque soir de la fouler avec humilité, d’y accéder comme si c’était la toute première fois. De ne pas la tenir pour acquise, surtout, comme dans une relation épanouie. »
En 2008, place à Tous les sens, parfait cocktail de groove et de refrains qui s’installent dans l’imaginaire. Un disque bientôt bardé de prix : quatre Félix, dont ceux d’Album pop-rock de l’année et de Chanson populaire de l’année; le Juno de l’Album francophone de l’année; un Grand Prix de l’Académie Charles Cros et une nomination aux Victoires de la musique, dans la catégorie Révélation scène de l'année – elle interprètera d’ailleurs le succès Je veux tout lors du gala parisien, diffusé sur France 2. Dans la foulée, elle confie les titres de l’album à des artistes technos montréalais, qui en proposeront des relectures sous le titre Tous les sens – remix.
Ariane Moffatt se plaît à apparaître là où on l’attend moins. En 2010, elle reprenait une série de chansons anglophones marquantes pour la série télé Trauma (SRC), revisitant très librement Leonard Cohen, Tom Waits, R.E.M et d’autres. Plus tard, en 2013, elle faisait pétiller l’émission La Voix (TVA), souvent suivie par plus de 2,5 millions de téléspectateurs, en y agissant comme coach. L’artiste est également active sur la place publique. On se souvient par exemple de sa chanson Jeudi 17 mai 2012, où elle paraphrasait elle-même son succès Jeudi 17 mai 2008 pour se prononcer contre la « loi spéciale » votée par le gouvernement Charest, durant la crise étudiante qui secouait alors le Québec. En 2013, elle recevait par ailleurs le Prix Lutte contre l’homophobie, remis par la première ministre du Québec Pauline Marois.
Trois ans après MA (2012), un album bilingue qui marie l’organique et la sensualité avec des échantillonnages de haute volée (Mon corps, Hôtel amour…), et dont la version scénique a fait un malheur depuis les quatre coins du Québec jusqu’au festival South by Southwest, au Texas, l’auteure- compositrice-interprète poursuit sa trajectoire avec 22h22, un disque de pop onirique, où l’intime rencontre le monde, réalisé en complicité avec Jean-Phi Goncalves. Ariane Moffatt referme ainsi une année entre parenthèses, durant laquelle elle a d’abord joué son rôle de jeune maman.