Rocks depuis leur premier concert, inventifs dans la forme, définitivement expérimentés, et ce coup-ci clairement surprenants avec ce nouvel album Long Courrier , les BB Brunes tracent leur route et confirment l'essai album après album, en faisant évoluer une musique toujours personnelle et naturellement de plus en plus mature.
Décembre 2007 : Une salle de lycée parisien, un cours de physique-chimie qui s'éternise dans l'après-midi, toute la classe s'endort à petit feu... Seul mon voisin de table, Adrien Gallo, gratte une chanson, comme un fou, sur un intercalaire de classeur. Nous avons 17 ans et Adrien est inspiré. Très inspiré. C'est cette énergie qui anime clairement chaque membre des BB Brunes depuis leur premier album, leur premier concert au Gibus et leur premier bœuf ensemble à 13 ans... Ils ont encore cette énergie et de plus en plus de cordes à leur arc et guitares respectives. Composer, jouer, chanter et changer aussi, mais toujours ensemble... C'est ce qu'ils font.
Depuis cette époque le groupe a connu les longues tournées, les festivals, le succès avec deux disques de platine, les exigences des enregistrements studio et s'est ainsi construit une expérience solide. Et c'est grâce à cette force commune qu'ils peuvent se permettre d'inventer à chaque composition et prendre de réels risques musicaux. On se souvient des violons venus envouter leur deuxième album Nico Teen Love , des accords indiens quasi psychédéliques du début de Quart D'heure ou de l'humour noir de leur Gare au Loup . C'est toujours avec cette envie de grandir et d'explorer de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités musicales que les BB Brunes s'affirment comme un groupe réellement évolutif mais toujours sincère, un groupe qu'on a simplement envie de suivre, comme on suivrait des potes... C'est ce que j'ai fait.
Long Courrier , c'est 12 titres rageurs, planants, nostalgiques, poétiques, électro-pop et puissants qui ont tous en commun la réelle surprise d'un nouveau style. Les textes sont les plus poétiques qu'Adrien ait écrits. Il va plus loin dans les images, joue plus que jamais avec les allitérations, les mots et les rythmes. La mélodie prenante et vive de Coups et Blessures nous reste en tête comme ferait un bon tube de Prince et ouvre à quelque chose de plus grand, de plus lointain et, à l'image de son titre ( Long Courrier ), de plus universel encore que les deux premiers albums du groupe.
Grande Rio réussit ce pari difficile en conciliant sonorités bien aiguisées, rappelant presque l'univers des Strokes à certains instants, avec une ambiance définitivement aérienne et planante. De son côté Rue de Buci balance sur un tempo lent, assuré par Karim à la batterie, et pose avec fluidité un texte envoutant sur ce fond rock qu'on adore. Les peines de cœur adolescentes se sont muées en contes, parfois douloureux, mais toujours profondément poétiques.
L'humour décalé de Lala Queen flirte avec certains titres Gainsbourg, dans cette même rythmique libérée et ce flegme très « frenchie ». Les instruments sont bien dosés et les inventions fusent de titre en titre. On sent que l'enregistrement de l'album a été dirigé avec lucidité et la précision des grands. Ce qui ne surprend qu'à moitié lorsqu'on apprend que le réalisateur n'est autre qu' Alan O' Connell , fraîche recrue de Mark Ronson et producteur musical de Gossip , Singtank ou encore Paul McCartney .
Les nappes entraînantes et presque eighties d’ Aficionado nous renvoient à un univers cinématographique proche d'un Drive qui aurait rencontré le bon scénario d'un Etienne Daho revisité. Alors que l'acteur principal de
Long Courrier est définitivement la voix d'Adrien, qui a pour seule réplique la basse psyché et classe de Bérald. La révélation masculine c'est la ballade de Félix sur Hémophile qui nous dévoile un timbre touchant et fêlé digne d'un Luke Pritchard . L'intrigue du script s'épaissit encore avec Police Déprime , un film rétro de flics américains, ça c'est sûr, mais comme parfois chez Dylan le propos semble aller plus loin, nous dépasser presque, et donne envie de poursuivre l'enquête jusqu'au bout.
Le cinéma est une bonne métaphore pour parler de ce troisième album, il est en tout cas une vraie « nouvelle vague » dans le paysage musical du groupe, un nouveau souffle qu'on découvre avec étonnement et une réelle délectation, en se disant simplement que d'autres surprises sont surement à prévoir avec les BB Brunes dans un avenir proche... Tenter de percer le mystère en réécoutant en boucle ce Long Courrier ... C'est ce que je fais.