New Ways, le nouvel album de l’artiste montréalais Leif Vollebekk, est la suite très attendue de Twin Solitude, finaliste au prix Polaris en 2017. C’est un album qui existe entre le son du kick et du snare, dans cet instant chargé avant le contretemps.
‘’The way that it was is the way it should be’’ (La façon que c’était est ce qui devrait être), chante Vollebekk sur "Phaedrus" — une phrase qui est à la fois un souvenir et un souhait. New Ways, c’est aussi ça : le son du désir dans son déploiement. Il y a deux ans, les choses changeaient si rapidement que l’auteur-compositeur avait peur d’en oublier des bouts. « Je pense souvent à la ligne de Leonard Cohen, « I hope you’re keeping some kind of record » (J’espère que tu tiens une sorte de registre) », confie-t-il. « Alors c’est ce que j’ai fait », comme s’il était possible de composer la trame sonore de sa propre vie.
Finalement, New Ways est la documentation de tout ce que Vollebekk a ressenti, de la façon dont chaque moment est arrivé et l’a traversé. Alors que Twin Solitude abordait l’autoréflexion, New Ways traite de l’engagement et du changement, du fait de toucher et d’être touché. C’est un disque physique, avec des grooves plus forts et plus serrés. Les paroles sont les plus crues que le musicien a enregistrées jusqu’à maintenant. C’est un portrait de la beauté, du désir, de la nostalgie, du risque, du souvenir — sans un seul instant de regret. Le refrain de "Never Be Back" l’évoque bien : « She’s my woman and she loved me so fine. She’ll never be back » (Cette femme était la mienne, elle m’a tant aimé. Elle ne reviendra pas).
« Tout ce que je ne dirais jamais à personne, je l’ai mis sur le disque », explique Vollebekk — la tendresse et la violence, le sexe et la renaissance, Platon et Julie Delpy. Une histoire racontée en détail — « le soleil à travers mes paupières », « un panneau sur l’autoroute couverte de pluie ». Ces chansons sont venues à Leif rapidement, puis ont été enregistrées dans la foulée, lors de sessions régulières, en duo avec un batteur. « Après chaque prise, nous allions dans la salle de contrôle pour écouter ce qu’on venait d’enregistrer et voir comment c’était », raconte-t-il. « Si ce n’était pas satisfaisant, nous recommencions, ou nous passions du piano à la guitare, ou bien nous changions le son de la batterie ou le placement des micros. » Une fois qu’ils avaient obtenu ce qu’ils voulaient, ils enchaînaient avec une autre chanson. Jamais d’arrêt, toujours en mouvement : 10 pièces pour 10 états différents – chacune ayant son propre pouls, attirant l’auditeur.
Il y a la chaleur de la nuit et la fraîcheur bleutée du matin, un soupçon de Prince et de Bill Withers, les limbes du vol transatlantique d’une personne aimée. "Hot Tears" est un souvenir ardent. "Apalachee Plain" est un adieu virulent. "I’m Not Your Lover" serait une chanson d’amour parfaite si ce n’était de son refrain — une chanson qui laisse deux opposés être vrais en même temps. « J’ai fait le disque précédent pour moi », admet Vollebekk. « Celui-ci est pour quelqu’un d’autre. »
Imaginez le chanteur à la fin du mois de septembre dernier, en performance à minuit dans l’une des salles les plus rares et intimes de Montréal — un cinéma porno centenaire, le Cinéma L’Amour, un temple authentique et charnel. Il était assis au piano. Les accords s’élançaient comme des ombres sur un mur. « She’s my woman and she loved me so fine! » a entonné Leif, sa voix remplissant l’espace. « She’ll never be back »
Lorsque tout a finalement été terminé — une fois le mixage peaufiné et les bandes maîtresses, bien calibrées — Leif a réalisé qu’écouter l’album était comme revoir un film. « Je savais désormais ce qui allait arriver », se rappelle-t-il. « Les moments ne semblaient plus passagers — ils semblaient éternels, presque déterminés par le destin. Les chansons évoquaient des choses différentes pour moi, mais elles n’avaient pas changé. Je les entendais juste d’une nouvelle façon (New Ways). »